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La vie quotidienne

A travers la diversité et la beauté des objets exposés, nous pouvons entrevoir les témoins d'un art de vivre des habitants des îles océaniennes. Même si quelques-uns des objets présentés ne sont plus utilisés aujourd'hui, la tradition reste vivante. Nous aborderons la vie quotidienne à travers deux thèmes : la nourriture et l'outillage traditionnel. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux ressources terrestres de ces îles et à leur consommation ainsi qu'aux ressources maritimes dans un premier temps avant de nous pencher sur l'outillage utilisé avant l'introduction du métal par les Européens.

1. - La nourriture

1.1. - Les ressources terrestres et leur consommation

 

La nourriture quotidienne dans le monde océanien est essentiellement végétale et composée de fruits, de tubercules, de rhizomes etc... En peuplant les îles, au cours de leurs migrations, les populations océaniennes ont trouvé des arbres essentiels comme le cocotier qu'ils ont domestiqué.

Toutefois, les hommes ont également introduit de nombreuses plantes cultivées dans les îles du Pacifique. En effet, la base de leur alimentation provenait de plantes cultivées comme l'arbre à pain (Artocarpus altilis), le taro (Colocasia esculenta) dans toute la Polynésie, l'igname (Dioscorea alata) en Mélanésie, la patate douce (Ipomea batatas), le bananier (Musa paradisiaca) et la canne à sucre (Saccharum officinarum) dans l'ensemble du monde océanien. Ces plantes essentielles fournissaient des substances très nutritives comme la fécule et le sucre. Disposant d'un nombre limité d'espèces végétales alimentaires mais aussi de nombreuses variétés qu'ils reconnaissaient ou qu'ils avaient crées, les insulaires avaient depuis longtemps affiné leur sensibilité gustative. Deux taros de variété voisine devenaient des mets différents. Habitués à se nourrir simplement et naturellement, sans condiments ni épices, ils élaboraient différentes recettes de cuisine.

Le fruit de l'arbre à pain est une denrée alimentaire commune à la Micronésie et à la Polynésie. Jamais mangé cru, son fruit est toujours préparé, cuit et consommé sous la forme d'une pâte : le popoï. Celui-ci peut se conserver un certain temps et se consomme plus fréquemment fermenté. Pour écraser le fruit et le transformer en purée, on se servait d'un pilon. Ce pilon taillé dans le basalte est caractérisé par des barettes latérales ou "oreilles" très hautes. Les pilons sont d'usage quotidien. Leur base très développée est destinée à réduire en pâte la pulpe de fruits et de tubercules alimentaires. Les pilons sont surtout employés par les femmes sur une table à piler en bois. Celle-ci encore utilisée de nos jours aux îles Marquises, est une grande planche un peu concave sur laquelle plusieurs personnes peuvent travailler en même temps.

Les patates douces semblent avoir été surtout consommées aux îles de la Société, sans préparation spéciale et comme nourriture d'appoint.

De nombreuses variétés de bananes sont consommées crues ou cuites. Les feuilles entrent dans la confection des emballages alimentaires de plusieurs régions (protection des aliments lors de la cuisson au four polynésien...).

Les insulaires distinguaient nettement la nourriture végétale qui constituait l'essentiel de leurs repas et l'accompagnement d'origine animale. Les animaux domestiques tels le porc ou encore le poisson représentaient la principale source de protéïnes dans leur alimentation.

 

1.2. - Les ressources maritimes, la pêche et l'équipement du pêcheur

La quasi-totalité des populations d'Océanie (exceptées l'Australie, la Nouvelle-Guinée et la Nouvelle-Zélande intérieures) vivait au bord de l'Océan Pacifique et se nourrissait d'abord du produit de leur pêche. Maîtres du Grand Océan, les habitants de ces îles avaient de grandes connaissances du milieu marin et de la navigation. En tant qu'observateurs passionnés de la nature, ils poussèrent très loin leur exploration du milieu marin. Avant d'exploiter les ressources écologiques de la mer, ils recensèrent les poissons et autres animaux, étudièrent minutieusement leur habitat, leur comportement avant de choisir les espèces les plus intéressantes. Ensuite, ils élaborèrent des stratégies et confectionnèrent des instruments appropriés à leur capture. Ils avaient constitué un ensemble de savoirs transmis oralement ainsi qu'un enseignement pratique.

Ces populations ont mis au point des techniques de pêche très élaborées qui donnèrent lieu à la fabrication d'instruments. La pêche se pratiquait au large, dans les lagons et les rivières, individuellement ou collectivement. La pêche dans les lagons et les rivières était plutôt réservée aux femmes, aux enfants et aux vieillards qui se servaient du sens des marées et des courants pour guider le poisson vers les pièges et les barrages. Ils recouraient aux filets pour rabattre les poissons.

Hameçons

Par ailleurs, les hameçons permettaient de capturer l'essentiel de la faune marine (thons, bonite etc...). Les plus impressionnants en bois servaient pour les requins. Le dard était assembé au reste de l'hameçon par une ligature en bourre de coco. Tirant parti de leur environnement marin et terrestre, les insulaires fabriquaient leurs hameçons dans des coquillages, l'écaille de tortue, l'os de cachalot, de porc ou encore le bois. Certains hameçons plus sophistiqués comme l'hameçon à bonite étaient constitués d'un leurre en nacre, d'une pointe en os ou en écaille de tortue et d'une touffe de poils ou de plumes. Les populations avaient développé une large gamme d'hameçons adaptés aux proies et aux conditions de pêche les plus variées.

Encore de nos jours, les insulaires pratiquent la capture des poulpes à l'aide de leurres (vitrine 16, Le musée Moillet, la vie quotidienne) fixés au bout d'une baguette en bois d'une trentaine de centimètres. Les leurres etaient composes de fragments de coquilles de porcelaine (Cypraea) superposés. L'ensemble appelé poreho est suspendu au bout d'une ficelle de 1,50 m environ que le pêcheur place devant les trous où logent les poulpes. Attirée par le miroitement des coquilles, la pieuvre sort de son refuge et s'élance sur sa proie factice. Elle est alors capturée et tuée par l'une des extrémités de la baguette de bois appointée.

Le status social des pêcheurs variait selon les archipels. Cependant, la pêche était plutôt le fait d'individus modestes. Le prélèvement des ressources marines était réglementé dans les lagons et en bordure des côtes par les chefs des terres adjacentes qui concédaient des droits de pêche, en échange d'une partie de la capture.

Les insulaires avaient développé des connaissances dans la construction d'embarcations de pêche. Dans les lagons ou près des côtes, ils utilisaient des pirogues à balancier (maquette dans la vitrine 13, Le musée Moilliet, la vie quotidienne) Pirogue dont la coque était creusée dans un seul tronc ou constituée d'éléments "assemblés" et calfatés à l'aide de fibres et de bourre de coco. Certaines étaient équipées d'une voile pour s'éloigner au large. PagaieLes formes des pirogues variaient sensiblement d'un archipel à l'autre comme les accessoires, les pagaies etc...

Un ensemble de rituels entourait certaines pêches exceptionnelles comme les captures de tortue. Cellesci étaient capturées à mains nues en plongée et à terre lors de la ponte. Quelquefois, elles étaient rabattues à l'aide de filets. Cet animal investi d'un caractère sacré était consommé lors de rituels. Sa chair était un mets "royal"et était consommé dans des lieux sacrés. L'écaille de sa carapace était utilisée dans la confection d'hameçons, d'objets de parure précieux par exemple.

 

1.3. - Les boissons rituelles et les drogues douces

Très proches de la nature, les insulaires connaissaient les propriétés d'une grande partie des végétaux qui les entouraient. Ainsi le kava ou le bétel étaient consommés comme des stupéfiants légers de façon rituelle.

Plat à Kava

Le kava (Piper methysticum) ou ava à Tahiti et Samoa est une plante de la famille du poivrier, reconnaissable à ses larges feuilles d'un vert foncé, aux nervures bien apparentes et à ses tiges noueuses. On obtenait une boisson euphorisante consommée selon des rites en Polynésie, au Vanuatu et dans une grande partie de la Mélanésie. Pour préparer cette boisson, les hommes s'installaient à plusieurs autour d'un plat en bois spécial et mastiquaient les fibres des racines fraîches qu'ils recrachaient dans le récipient avant de verser de l'eau sur la préparation. Cette boisson épaisse était consommée immédiatement sans la laisser fermenter. Tout le monde était autorisé à en boire sauf les femmes. Mais ce sont surtout les familles des chefs qui en buvaient. Le kava était consommé en groupe, au cours de réunions ou de réceptions, avant un repas. Il était servi dans des coupes à kava.

En Mélanésie (comme en Indonésie), on mâche du bétel. Stimulant léger, son effet excitant est comparable à celui obtenu en mâchant des feuilles de coca. La substance mâchée se compose de trois éléments : l'amande de la noix d'arec (Arec catechu), le fruit ou la feuille du poivrier, parasite grimpant appelé bétel (Piper betle) et de la chaux obtenue par combustion de certains coquillages et coraux. Spatules à chaux Consommé au cours de rites et de cérémonies, le bétel est un élément de valeur traditionnel qui a inspiré la fabrication d'objets superbes, en particulier d'ustensiles pour confectionner la prise et la mettre en bouche. On trouve ainsi des gourdes et des spatules à chaux .

Il s'agit néanmoins d'une drogue à accoutumance qui peut mener les gros consommateurs à l'ivresse. On reconnaît ses consommateurs à la coloration rouge vif qu'elle donne à la salive et à la bouche.

 

1.4. - Les repas

Dans la vie quotidienne, le repas n'étant pas considéré comme un acte social excepté au moment des fêtes, chacun mangeait où il voulait, quand il voulait. Ainsi, les hommes et les femmes prenaient leurs repas séparément, seuls ou en groupe. Ils ne se retrouvaient que pour les manifestations collectives. Les Polynésiens, par exemple, se nourrissaient plus ou moins régulièrement, mais en temps normal, ils prenaient au moins deux repas par jour, au lever et au coucher du soleil.

Tout le monde mangeait de la même manière, avec ses doigts. Il n'y avait pas de vaisselle et la nourriture était servie dans des feuilles de bananiers ou d'arbres à pain. Pour accompagner les repas, l'eau douce des sources et des rivières était la principale boisson. Le lait des noix de coco était également consommé.

 

2. - L'outillage avant l'arrivée du métal

Comme nous avons pu le constater, les ressources terrestres et maritimes ne subvenaient pas seulement aux besoins alimentaires, elles paraient à d'autres nécessités de la vie quotidienne. A l'époque des premiers contacts avec les Européens, les populations océaniennes ne connaissaient pas le métal. Avant la période de transition technologique où le métal est venu remplacer les matériaux traditionnels qu'étaient la pierre, la coquille et l'os, un outillage diversifié était employé comme en témoignent l'herminette ou le couteau.

HerminetteL'herminette, facilement reconnaissable est un outil composite formé d'une lame de pierre fortement ligaturée par des liens de coco (fibres tressées de la bourre de coco) à un manche coudé. Le manche de dimension et de forme variables, était taillé dans un bois dur tandis que la lame était taillée dans une roche dure et ensuite polie. Contrairement au tranchant de la hache qui est parallèle à l'axe du manche, celui de l'herminette est perpendiculaire.

Cet outil était employé pour le travail du bois et parfois de la pierre. Il permettait d'abattre des arbres, de creuser les pirogues, de tailler les poutres des habitations, de façonner et de sculpter des récipients en bois, les tiki, les armes etc... La forme des lames est très diverse en Océanie. Ces lames nécessitaient un réaffûtage extrêmement fréquent. Leur poids varient de quelques grammes à plus de deux kilos.

La variété d'herminettes était adaptée à toutes sortes de travaux, des plus grossiers aux plus fins et chacune avait un nom spécifique.

Le ciseau-couteau. Ciseau-couteau A défaut de tout métal, les Polynésiens se servaient de dents de rats et de requins comme ciseaux et comme burins pour les travaux de construction et de décoration. Le ciseau était attaché solidement à un manche de forme courbe (une mâchoire de chien) qui permettait de l'utiliser pour découper la nourriture avec un mouvement horizontal.

Les matériaux utilisés avant l'arrivée des Européens étaient soigneusement choisis dans le monde végétal, animal ou minéral. Ceux-ci étaient souvent à peine transformés pour leur outillage. Les insulaires faisaient appel à une diversité de matériaux locaux comme les roches volcaniques, le corail, la coquille des mollusques, le bois, les dents et les os, la peau des requins, le sable... A la différence des îles hautes où les matériaux étaient accessibles, les îles basses échangeaient des nacres contre des herminettes par exemple. Avec l'arrivée des Européens, l'introduction du métal va bouleverser le mode de fabrication des outils et amorcer un déclin rapide du travail de la pierre. Parallèlement, l'abandon des matériaux traditionnels dans ces cultures où l'esprit et la matière étaient indissociables entraînera une rupture avec la religion. Par exemple, l'herminette, en tant qu'outil composite assemblait des matériaux divers qui possédaient chacun leur propre symbolique : la pierre, la corde de coco et le bois. Si la symbolique des pierres est mal connue, celle de la corde de coco en revanche révèle le lien sacré de Tane, dieu des artisans en Polynésie. D'ailleurs, sa fabrication était réservée aux hommes. De plus, dans la mesure où les arbres sont pour la plupart associés à des divinités, le choix des bois destinés à la confection des manches pouvait dépendre de caractères religieux.

Heureusement, grâce à la tradition orale de ces îles et des observations effectuées avant la disparition de l'outillage traditionnel, les ethnologues ont pu retracer les principales étapes de construction des édifices, des bateaux, du façonnage des hameçons, de la confection des vêtements et de la préparation de la nourriture.

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