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Le vêtement et la parure

En Océanie, les vêtements étaient toujours fabriqués à partir de matières végétales. Les plus frustres comme les plus raffinés étaient en feuilles ou en fibres tressées et surtout en écorce battue : le tapa. Le tissage étant inconnu en Océanie, le tapa était à la base des vêtements de l'ensemble du monde océanien. Adapté au climat, le costume est succint, sauf en Nouvelle-Zélande où le climat est plus froid l'hiver.

1. - Le tapa, sa confection et ses fonctions

Le tapa est une étoffe végétale obtenue à partir d'une écorce battue de mûrier, de ficus ou d'arbre à pain. Un soin particulier était apporté à la fabrication du tapa. Sa technique de confection varie légèrement d'une île à l'autre mais les étapes de base demeurent identiques.

Tout d'abord, les hommes étaient chargés de la première opération qui consistait à couper les branches d'où l'écorce était retirée. Le liber - partie interne de l'écorce- était fendu dans le sens longitudinal pour le séparer du tronc, obtenant ainsi des bandes de 10 à 12 cm de large. La suite des opérations était exclusivement féminine. Les bandes étaient mises à tremper dans l'eau d'une rivière pendant deux à trois jours. Gorgées d'eau, les bandes étaient étalées en se chevauchant légèrement sur des feuilles de bananier. L'ensemble était roulé et abandonné pour 24 ou 72 heures. De ces travaux préparatoires dépendait la qualité du tapa. Ces écorces étaient ensuite transportées sur une enclume en bois afin d'être battues longuement de façon régulière, à l'aide d'un battoir à tapa. Le battage permettait d'écraser et d'étirer les fibres. Cette activité rassemblait plusieurs femmes.

Battoir à tapa

Après la longue opération de battage, les pièces de tapa étaient mises à sécher à l'ombre puis étalées au soleil pour blanchir. Elles étaient employées à l'état brut ou agrémentées de motifs (vitrines 17 à 19). Dans ce cas, elles étaient peintes à la main ou à l'aide de pochoirs. Les couleurs s'obtenaient à partir de teintures naturelles végétales ou minérales. Les morceaux de tapa pouvaient être joints les uns aux autres par de la sève de l'arbre à pain pour obtenir de grandes surfaces de cette étoffe.

Outre sa fonction vestimentaire, le tapa était polyvalent et tenait une place importante dans les sociétés océaniennes tant d'un point de vue technique, qu'économique et religieux. Il avait un rôle social important tout au long de la vie des personnes. Il était à la fois le lange du nouveau-né, le témoin de l'union du couple en tant que drap et le linceul du défunt. Le tapa était également symbole de richesse et de pouvoir, objet d'échange et de prestige. Le tapa était associé aux cadeaux et autres échanges lors des mariages par exemple. Il servait aussi d'enveloppe sacrée aux représentations divines, associé aux grandes cérémonies. Dans la mythologie, la déesse Hina, créatrice du tapa, le mettait à sécher dans le ciel où il formait les nuages.

Les femmes portaient également des jupes en raphia très courtes en Nouvelle-Calédonie. Les insulaires océaniens ne pratiquaient pas la couture dans l'art de s'habiller. Tous leurs vêtements étaient enroulés autour du corps ou drapés. Dans tous les archipels, les femmes utilisaient un rectangle d'étoffe de tapa par exemple qu'elles enroulaient autour des hanches et portaient comme une jupe : le pareu. Celui-ci pouvait descendre au dessus ou au dessous des genoux selon les circonstances. On portait aussi des nattes très fines aux Samoa et au Vanuatu. Le maro était le vêtement masculin le plus simple et servait de cache-sexe. Il était tressé par les femmes en feuilles de pandanus.

 

2. - La parure, marque du rang social et objet de prestige

La parure, en tant qu'ornementation corporelle a une fonction esthétique certaine mais elle reflète également une affirmation culturelle et une différenciation sociale au sein de communautés très hiérarchisées.Ces objets superbes sont autant de marques du rang social et de prestige de ceux qui les portent surtout au moment des fêtes, des cérémonies et pour la danse. Elle est l'objet d'un grand soin et il existe une profusion et une variété d'ornements corporels composés d'éléments divers. Les insulaires puisaient dans la nature pour fabriquer ces ornements. Les matériaux utilisés étaient essentiellement d'origine animale ou végétale avec souvent des produits issus de la mer. Tous ces éléments sont autant de codes qui définissaient l'homme au sein de la société et de sa hiérarchie.

Intéressons-nous à ces matériaux entrant dans la confection des objets de parure.

    L'os et l'ivoire

      Ornements d'oreille
    • Tous les Marquisiens portaient des ornements d'oreille. Les impressionants ornements d'oreille masculins - ha'akai - des îles Marquises sont sculptés dans des dents de cachalot . Ils sont décorés d'un tiki en relief. La partie large se portait en avant de l'oreille, l'ornement étant maintenu derrière le lobe par une cheville traversant l'extrémité en pointe.

    • Les petits ornements d'oreille féminins -putaïana- des îles Marquises sont en os et en coquillage. Ils sont finement sculptés et représentent des tiki face à face. Ils étaient le plus souvent en deux parties qui comprenaient un disque épais de coquillage dans lequel venait s'adapter un os découpé en minuscules personnages représentant des scènes de légendes. Bracelet


    • Le bracelet en dents de cochon des îles Hawaii était porté par les femmes nobles. Les dents sont de taille égale et enfilées sur deux cordelettes. Plus les dents des cochons étaient longues et recourbées sur elles-mêmes, plus elles avaient de valeur pour la confection d'un objet de parure. Pectoral

    • Le pectoral composé de dents de cochon, de coquillages et de graines se portait au nord de la Nouvelle-Guinée.

      Collier de chef

    • Le collier de chef et les ornements d'oreille en forme d'étoiles des îles Australes sont formés de pendentifs sculptés dans de l'os et de l'ivoire de cachalot.
Vide

    Les coquillages : l'huître perlière dont la nacre était choisie pour sa couleur irisée.

    Ornement frontal

    • Le grand pendentif en nacre travaillée est lié à un collier en cheveux tressés. Eh oui, les cheveux humains entraient également dans les ressources naturelles utilisées par les insulaires! Aux îles Australes, ces pendentifs étaient portés par les chefs.

    • Le collier constitué de petites nacres polies, à bords dentelés, est attaché à une tresse faite de cheveux et de fibres végétales. Il provient des îles Australes.

    • L'ornement frontal avec un disque en nacre et des plumes était un ornement destiné aux chefs des îles Marquises.

    Les plumes étaient choisies pour leur couleur chatoyante mais elles avaient également une valeur symbolique.

    • Le diadème en longues plumes de coq noir des îles Marquises - ta'avaha - était un ornement prestigieux porté par les chefs. Il fallait à peu près deux cent cinquante coqs pour le fabriquer. Chaque coq ne fournissait que les deux plus longues plumes de sa queue (60 centimètres) et une telle taille n'apparaissait que chez les animaux les plus âgés. Des coqs domestiques étaient élevés à cet effet.

    • La cape d'Hawaï est parmi les oeuvres d'art les plus spectaculaires. Réalisée avec des plumes d'oiseaux de l'île, cette cape est appelée 'a hu'ula ('ahu = couvre-épaules, 'ula = rouge). Cape d'Hawaï Elle est faite de plusieurs morceaux fabriqués séparément puis cousus ensemble. Les plumes étaient fixées sur un filet en fibres nouées de coco. Les plumes rouges avaient une valeur symbolique et sacrée dans toute la Polynésie, elles symbolisaient le pouvoir. Les jaunes provenaient d'un oiseau noir, le o'o n'ayant que quelques plumes de couleur jaune sur les ailes, leur rareté les rendant très précieuses. Cette espèce avait le "privilège" d'être choisie comme "royale".

      On compte environ 400.000 plumes sur la cape, ce qui correspond à un prélèvement sur environ 50.000 oiseaux. Les o' o étaient souvent capturés vivants et relâchés après le prélèvement des plumes intéressantes ; ceci n'a pourtant pas suffit à leur sauvegarde : ils ont disparu au moment des premiers contacts avec les Européens. On connaît peu de choses sur la signification de ces motifs. Ces capes étaient portées uniquement par les chefs lors de cérémonies exceptionnelles. Protégés par ce vêtement magnifique, les personnages importants réaffirmaient leur supériorité et la haute lignée dont ils étaient issus.

Ces quelques exemples auront montré que les populations océaniennes ont excellé dans la confection des objets de parure en tirant parti des ressources de leur environnement naturel. D'autres éléments entraient dans la parure comme les chasse-mouches et les éventails mais nous en reparlerons dans la quatrième partie dans la mesure où ils sont liés à la marque du pouvoir.

 

3. - Le tatouage*

En Océanie, le corps est également le support d'ornementations définitives comme le tatouage - tatu - qui constitue la parure corporelle la plus connue et néanmoins la plus spectaculaire en Polynésie et en particulier aux îles Marquises et en Nouvelle-Zélande.

Le procédé consistait à introduire sous le derme un colorant très foncé à l'aide d'une ou plusieurs pointes de façon à imprimer des motifs indélébiles. En Polynésie, on utilisait un peigne à tatouer munis de pointes et des maillets (en forme de pagaie) pour introduire le colorant à base de suie. Ce dernier était obtenu en faisant brûler des amandes de coco et dilué dans de l'eau tiédie ou de l'huile de coco au moment de l'utilisation.

Aux îles Marquises, le maître-artisan tatoueur prenait le peigne à tatouer de la main gauche ainsi qu'un morceau de tapa pour éponger le sang. De la main droite, il tenait le maillet par sa partie élargie et frappait le manche du peigne. Des assistants l'aidaient en maintenant le patient et en tendant la peau sous les dents du peigne. Le tatoueur suivait les motifs dessinés au charbon sur la peau trempant régulièrement les pointes dans la suie. Souvent, un chant approprié accompagnait l'opération. La durée de celle-ci était longue et douloureuse et les risques d'infection étaient grands.

Les tatoueurs rangeaient leurs instruments dans des étuis de bambou gravés de motifs qui pouvaient leur servir de modèles. Ces motifs très nombreux formaient des familles décoratives composées d'éléments géométriques ou figuratifs. Les dessins et les emplacements variaient selon les archipels. Par exemple, aux Marquises, les hommes pouvaient être tatoués des pieds à la tête, y compris sur les paupières, les narines, la langue et la paume des mains. Les tatouages des femmes étaient moins étendus et se limitaient aux épaules, tout le long des jambes, sur les pieds et les mains.

Le tatouage avait une fonction à la fois esthétique et sociale. En premier lieu, il marquait la différenciation entre les sexes et était un élément de séduction pour capter et retenir l'attention de l'autre. Aux Marquises, comme aux Samoa "un jeune homme tant qu'il n'était pas tatoué ... ne pouvait songer au mariage. Il était constamment exposé à des railleries, à être tourné en ridicule comme un individu pauvre et de basse extraction, n'ayant pas le droit de parler dans la société des hommes" (G. Turner, 1884). Il symbolisait également le rang social de la personne puisque certains tatouages étaient réservés aux chefs, aux guerriers, personnages importants dans les sociétés océaniennes. Cet art que les missionnaires ont combattu connaît aujourd'hui une renaissance importante dans les îles polynésiennes.

La parure était un élément essentiel de ces cultures aux structures sociales stratifiées où les principaux personnages se donnaient des moyens visibles de se distinguer.

* M.N. de Bergh-Ottino
Le tatouage: art de la peau, mémoire des hommes. pp 145-148


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