AccueilArts et éducationVierge au pied d’argent ou Notre-Dame-du-Treillis

Vierge au pied d’argent ou Notre-Dame-du-Treillis

Anonyme
Ile-de-France, vers 1270
Calcaire jadis polychromé
H. 150 cm
Inv. B.445
Provenance : abbaye Saint-Corneille de Compiègne
Don des hospices, 1896
Compiègne
Statue de la Vierge au pied d’argent ou Notre-Dame-du-Treillis
© Christian Schryve, Musée Antoine Vivenel, Compiègne

Cette statue de pierre jadis polychromée, retaillée au niveau du haut du buste aujourd'hui trop grêle, aux deux têtes recollées et aux pieds partiellement conservés, porte la trace d'un vandalisme qu'on soupçonne révolutionnaire. Seules quelques traces subsistent de la peinture qui la couvrait tout entière ou du moins plus largement avant le décapage de 1936. L'extrémité du pied droit est en bois, parsemé de clous et, du pied gauche ne subsiste qu'une amorce d'enveloppe en métal. Les fleurons de la couronne sont perdus, l'avant-bras droit de la Vierge manque ainsi que la main gauche de l'Enfant Jésus. En 1267, les restes mortels des rois Louis II (879), Louis V (987) et d'Hugues, fils de Robert le Pieux (1025), inhumés dans l'abbatiale Saint-Corneille de Compiègne sont transférés solennellement au droit du maître-autel en présence de Saint-Louis. Des statues leur sont alors érigées. On estime probable que la Vierge ait été sculptée à la même date pour être offerte à l'abbatiale. La statue est ainsi mentionnée dans Description des reliques…de l'abbaye royale Saint-Corneille de Compiègne paru en 1770 : « A droite en entrant se voit la chapelle de la sainte Vierge, appelée anciennement Notre-Dame du Treillis, appuyée contre le jubé. On y remarque une statue de la sainte Vierge, tenant l'Enfant Jésus dans ses bras; elle a les mains et les pieds d'argent; ce qui fait qu'on la nomme la Vierge au pied d'argent.

Les gens de Compiègne et ses environs ont une singulière dévotion à cette Image qui est ancienne; elle est généralement regardée dans le pays comme miraculeuse. On croit communément que son pied a été revêtu d'argent, parce que le peuple qui va très fréquemment le baiser, en détachoit avecdes couteaux quelques parties qu'il regardoit comme des reliques ».

La Vierge fut longtemps dénommée Notre-Dame-du-Treillis en raison de la grille qui la protégeait d'une vénération trop assidue. Durant le dernier tiers du XVIIe siècle, la grille semble avoir été ôtée et peut-être n'est-ce qu'alors que des pieds d'argent furent adjoints à la statue. La coutume voulait qu'elle fut parée aux jours de fêtes d'« une couronne d'argent pesant [un blanc] que l'on met aux grandes fêtes sur la tête de la Vierge au pied d'argent ». La Révolution française la mutile, sans doute lors de la sécularisation de l'abbaye en 1790. Réparée, sauvée, elle rejoint on ne sait quand la chapelle Saint-Nicolas de l'hôtel-Dieu jusqu'à sa suppression en 1896, date à laquelle elle fut offerte au Musée Antoine Vivenel.
Les analogies avec d'autres statues contemporaines, les influences de l'Ile-de-France toute proche, reflètent son appartenance à un courant. Elle s'inscrit dans le mouvement qui, dès les années 1240, renouvelle les formules du début du XIIIe siècle. La sculpture devient indépendante de l'architecture et se rapproche de la réalité par une recherche des effets d'ombres et de lumières, d'un certain mouvement parallèle à un allongement du canon. Le drapé se libère du corps et retrouve son poids, le visage s'illumine d'un sourire plein de tendresse. Le point commun aux vierges de ce temps est un hanchement qu'accentue une longue chute de plis verticaux formée par un manteau ramené sous le bras gauche, celui qui porte l'Enfant Jésus, et par le jeu, à droite, de profonds plis à bec, cassés et disposés en ondes concentriques. Ce drapé est ici assez heurté et d'un rythme plus vigoureux qu'à l'ordinaire qui met la Vierge de Compiègne un peu à part. Cette œuvre majeure de la statuaire gothique des années 1260 témoigne surtout de l'essor du culte marial au Moyen âge qui entraîne un renouvellement de l'inspiration des sculpteurs, préférant l'image d'une jeune femme souriante et tenant haut un enfant désormais tourné vers elle.

Christine Amiard
Chargée du service des publics

En savoir plus

Compléments pédagogiques