Trois vieux juifs
Alors que les Impressionnistes s'épanouissent dans le domaine du paysage exécuté en plein air dans les tons clairs, Théodule Ribot dut son succès à sa manière très personnelle, marquée par l'art du XVIIe siècle (Caravage, Ribera, Franz Hals et Rembrandt), à ses éclairages dramatiques, produits souvent par une lumière artificielle.
Dans un cadrage serré, trois vieux juifs orthodoxes semblent converser. On ne distingue nettement que leurs têtes, presque grandeur nature. Les tenues des trois personnages, manteaux sombres et chapeaux noirs tout juste indiqués, servent de repoussoir aux trois visages sur lesquels l'attention est concentrée. Comme souvent chez Ribot, aucun décor, aucune ambiance lumineuse même n'apparaît.
Mieux que toute autre physionomie caractérisée, la vieillesse offrait à l'artiste les visages à la matière saillante qu'il aimait peindre. De ces trois hommes âgés, ce sont seulement les barbes et les cheveux gris, mais surtout la peau boursouflée et marquée par les années qui sont traduits à larges coups de brosse (les yeux ne sont pour ainsi dire pas visibles). Jouant de plus en plus sur les oppositions tranchées, du clair à l'obscur, à la fin de sa vie surtout, Ribot travaillait la nuit, à la lumière artificielle de la lampe qui accuse si violemment les ombres. Cette composition, aux figures comme sculptées par la lumière, est sans doute le produit d'une de ces scènes nocturnes.
Théodule Ribot se consacra essentiellement au portrait au cours de l'ultime partie de sa carrière. Dans une quête obsédante de positions différentes, il multipliait à l'envie ses études de physionomies. Le tableau appartient à ce genre. A sa mort, l'artiste conservait dans son atelier trois toiles de même sujet et même format que celle de Saint-Quentin.
D'après les textes fournis par la conservation
Avec le concours du service éducatif du chemin des Dames et de la caverne du Dragon
Compléments pédagogiques