Retable de la Vie de la Vierge ou Retable de Thuison
Retable classé sur la liste supplémentaire des Monuments historiques en 1898.
Initialement conçu pour le chœur des Frères de la chartreuse Saint-honoré de Thuison, cette œuvre était destinée à être le pendant du retable de la Vie de saint Honoré, aujourd'hui conservé dans l'église Saint-Pierre du Crotoy. En effet, les deux retables étaient présentés autour du maître-autel. Le programme iconographique de l'église des Chartreux était lié à la vie de la Vierge, à celle de saint Honoré et à la Passion du Christ, dernier thème auquel le retable du maître-autel était consacré.
Celui présenté ici fut placé au début du XXe siècle au sein d'une niche en pierre de la collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville où la caisse d'origine est encore visible. Les reliefs sculptés sont présentés dans une caisse moderne, reproduite à l'identique de celle d'origine en chêne en reprenant les assemblages traditionnels de la structure initiale.
On retrouve la première mention de ce retable dans une chronique du XVIIIe siècle appelée « Manuscrits Siffait », du nom de son auteur Albert Siffait de Moncourt (1858-1931). La lecture des textes permet d'imaginer l'ensemble de l'œuvre protégé par des volets peints, lesquels une fois refermés laissaient voir les représentations de La Descente de croix et la Mise au tombeau et dans la partie supérieure le Noli me tangere. Ces volets peints ont certainement disparu au cours de la Révolution Française.
Le retable de la Vie de la Vierge présente une composition tripartite.
Sur le phylactère tenu par l'Ange Gabriel de la main droite, on pouvait lire « Réjouis-toi, comblée de grâce, le Seigneur est avec toi ».
Cette scène de l' Annonciation est représentée dans une chambre à coucher médiévale. Le motif en plis de serviettes des panneaux de bois du lit à colonnes et les décors d'arcatures sur l'encadrement de la porte témoignent de la minutie du sculpteur, le souci de perspective étant suggéré par le sol en damier. Les larges fissures évoquant l'état de délabrement de l'étable dans la scène de la Nativité sont le reflet de l'importance donné aux détails par le sculpteur. Celui-ci représente Joseph une bougie et une lanterne à la main pour préciser que la scène se déroule de nuit. La structure de ce retable est caractéristique, par ses compartiments juxtaposés, des œuvres exécutées dans les Pays du nord, ce qui a conduit certains spécialistes à rattacher ce dernier à l'art flamand. Cependant, il ne faut pas oublier que le début du XVIesiècle, période d'élaboration de l'œuvre, fut une période féconde pour les arts en Picardie. En effet, la mention de sculpteurs travaillant à l'ornementation de la façade de la collégiale Saint Vulfran, ou encore la création d'une corporation des artisans à Abbeville en 1508 sont des éléments qui montrent l'existence d'un ou plusieurs ateliers de sculpteurs auxquels les chartreux de Thuison auraient pu commander leurs retables. Les caractéristiques stylistiques des arts picards sont ici retrouvées : silhouettes raides, goût pour l'ornementation et richesse des détails.
Certains aspects vestimentaires et quelques éléments Renaissance ornant le mobilier indiquent que cette œuvre fut conçue pendant la période charnière entre le Moyen-âge et la Renaissance.
Caroline Jame
Avec le concours du service éducatif du musée d'Abbeville, Laurent Lombard
Compléments pédagogiques