Le martyre de saint Sébastien
En plus de sa prodigieuse activité dans le domaine de la caricature (il réalise plus de 3 000 lithographies), Daumier était également peintre, l'un des pionniers du Réalisme. Son style pictural diffère de son travail graphique. Cette œuvre est à la fois le premier grand format et le premier tableau religieux de Daumier. C'est une commande de l'Etat pour une église de l'Aisne à un artiste qui n'a rencontré le succès qu'à la veille de sa mort.
Le martyre de saint Sébastien et surtout la sagittation fut, dès le XVIe siècle, l'épisode le plus répandu par l'iconographie même si, au XVIIe siècle, celui du saint veillé par Irène connut une fortune importante dont témoigne le chef-d'œuvre de Georges de La Tour. Daumier combine curieusement ces deux thèmes, montrant le soldat romain attaché à son arbre et blessé de deux flèches tandis qu'Irène et sa servante – deux saintes femmes indistinctes, comparables à celles qui se hâtent au tombeau du Christ – approchent du lieu du supplice. Un angelot grassouillet, putto profane plus que messager divin, le décore de la palme du martyre, par anticipation puisque le saint ne mourut pas de ses blessures.
La lumière tombe sur la face du saint et les instruments de son supplice ; le reste est dans l'ombre. La toile est impressionnante et belle, sans équivalent dans la peinture du temps – mais la remarque vaut pour tant d'œuvres de Daumier – sinon peut-être celle de Delacroix, dans une scène d'ordinaire statique.
Ce rapprochement est ténu et vain car le coloris ne lui doit rien, parce qu'il faudrait aussitôt évoquer les Italiens et les Espagnols du XVII>e siècle.
Bibliographie :
D. Roussel (dir.), Guide des collections de peintures, éd. Musée de Soissons-ADMS 2008, p.90-91. Catalogue d'exposition: Daumier 1808-1879, Réunion des Musées Nationaux, 1999, p. 270-271.
Dominique Roussel
Conservateur du patrimoine
Avec le concours du service éducatif du musée de Soissons
Compléments pédagogiques