Corybante étouffant les cris de Jupiter enfant
L'explication du livret du Salon de 1875, où une version en marbre de l'œuvre fut présentée, est nécessaire à la compréhension de ce groupe énigmatique : « Après avoir par adresse enlevé Jupiter à Saturne, Rhéa le confia aux Corybantes. Pour que les cris de l'enfant ne dévoilent point cette ruse, un Corybante dansa autour de Jupiter, frappant de l'épée son bouclier ». Le Corybante, soldat nu et casqué, s'élève ici sur la pointe des pieds, se livrant à une danse bruyante, virile et guerrière, regardant par-dessus son épaule droite le jeune dieu assis derrière lui. Fidèle à la grande leçon de l'Antiquité, l'art de Louis-Léon Cugnot s'inscrit dans la veine helléniste de la sculpture française, qui succède au néoclassicisme proprement dit à partir de 1825. La position complexe du Corybante était ici un prétexte pour exécuter une belle anatomie, dont le jeune sculpteur avait acquis une connaissance approfondie dans l'atelier de Duret à l'École des beaux-arts. Grand Prix de Rome en 1859, Cugnot acheva sa formation classique à la Villa Médicis, s'inspirant pour cet envoi de deuxième année tant d'une frise en terre cuite de la collection Campana que des modèles virils de Canova. Cugnot tirait en outre les leçons des marbres du Parthénon, dont la découverte en 1825 fut un choc pour nombre d'artistes : la sculpture grecque classique s'y révélait d'un naturalisme jusque-là insoupçonné.
Une volonté se fit alors jour chez les sculpteurs de faire exprimer aux corps, toujours dans le respect et la compréhension des modèles grecs, des effets nouveaux, ce dont témoignait le beau mouvement en spirale de ce
Corybante en bronze.Laure Dalon
Conservateur du patrimoine
Avec le concours du service éducatif des musées d'Amiens, Pascale Guy et Françoise Morel
Compléments pédagogiques